Le mois des ciseaux.

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C’est le mois où les pointes fourchent et les couples cassent.  Le mois où le grand mal peut nous surprendre en plein bonheur. Le mois où certains sont mus par l’envie de se couper une frange et d’autres, de se faire hara-kiri.

Novembre débute à l’aurore du 1er avec la marche de la honte des déguisées en vampire-pute, le fard aussi effacé que leur dignité. On passe de Boooo! à Brrrrrr! en une nuit.  Les chères poules ont maintenant la chair de poule.

Oui, voici venu le temps des petites laines et des gants achetés au Dollarama.  Le soleil va de plus en plus se cacher derrière un voile de coton à fromage.  Les magnifiques orangés des feuilles et des cucurbitacées vont brunir et annoncer l’arrivée du deuil et de l’acier.

On change l’heure et ça nous fait changer d’air. Les sourcils se froncent, les épaules s’enfoncent. On n’a pas voté pour ça. On tente de se humer le festival des couleurs, mais la grisaille guette à cinq heures moins quart.

On remonte son col où on a épinglé une tache de sang pour se souvenir de soldats oubliés. Ils sont tous morts. C’est le mois des morts. C’est le mois où se passer la corde au cou a un tout autre sens qu’au mois de juin.

Les scorpions vont souffler leurs chandelles avec un Fu Manchu sous le nez pour une prostate gonflée de réseaux sociaux.  De leur côté, les vieilles filles vont célébrer leur Sainte-Catherine avec le goût de se déballer une tire ou de se tirer une balle. C’est selon.

Les décorations de Noël illuminent déjà le fond des portefeuilles et les feux sauvages font lumignons sur les bouches de plusieurs. Novembre, c’est aussi le moment où les dernières bernaches et les premières matantes migrent vers le sud.

Bientôt, il ventera. Il ventera à écorner les bœufs en pantalons de camouflage. Il ventera à faire claquer les volets, les dents et les malades. Un vent terrible qui geint, gifle et fouette. Un vent bdsm sur nos culs vanilles.

Puis, la première neige fera patiner les pneus des penseurs magiques dans les rues mouillées. Les piétons avanceront comme des poulains naissant sur les trottoirs finement glacés. Seuls les enfants et les purs sortiront la langue vers le ciel ou feront craquer la mince vitre de glace sur le trou de gadoue pétrifiée.

Avec un peu de chance, on stoppera les sécateurs à un pouce de notre poignet ou de notre arcade sourcilière. On s’arrêtera net avant de se donner la mort ou un look de punkette trisomique. On comprendra que les ciseaux, ce n’est jamais une solution. Ni les larmes de rasoir. Ni les liqueurs finales. Ni les comprimés kamikazes. Ni les sauts de l’ange dans les eaux usées.

Il faut garder espoir que la marmotte verra son ombre au bout de l’hiver. On s’achètera une barrette pour sa couette dans le front, une douillette pour ses petons transis et on survivra les blues de novembre en suivant les Canadiens de Montréal.

Après tout, c’est peut-être l’année de la Coupe Stanley… Ce serait bête de manquer ça.

 

 

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