Festin pour une.

DinerForOne

Un petit repas mitonné avec du beurre et de l’amour, c’est-tu assez bon? Des oignons caramélisés, une béchamel crémeuse, un fusilli al dente. Saupoudrons de lardons. Allez, encore un peu. Allons-y pour le spécial «Triple pontage». Un verre de vin, et voilà, je m’offre un souper en tête à moi.

Ça m’est complètement nouveau de cuisiner sans penser à l’autre. Avant, ses goûts devenaient les miens et ses dégoûts me privaient de fromage parmesan. Mon fils n’aime pas les champignons? Fini les champignons!  Mon chum trouve ça plate du jambon? Allons-y pour de la poule morte! Comprenez-moi bien, on ne m’a pas imposé quoi que ce soit, c’est moi qui est une imbécile d’avoir sacrifié ma fourchette.

Voilà un peu plus de deux ans, parce que la vie est ce qu’elle est : une salope bipolaire,  j’ai dû faire un redémarrage de la mort et je me suis retrouvée dans un chauffé, eau chaude, poêle-frigo, seule.  Absolument seule. Et libre. Absolument libre.

Je pouvais manger ce que je voulais, mais je n’avais pas faim. J’avais mal. J’avais peur. La seule chose que je grignotais c’était mes ongles et la peau de mes lèvres. Je laissais mes côtes saillantes dirent au monde à quel point j’étais malheureuse et inquiète de mon sort.

Dieu merci, j’ai la résilience d’une super balle et je suis naturellement friande. Mon appétit a grandi à mesure que les cheveux sur ma nuque se sont mis à repousser. Évidement, je me suis lancée de l’autre côté de la famine en me sustentant à la Jabba the Hutt quand il est tout seul et que personne ne le vois. Je léchais, désabusée, la pellicule plastique de mon plat pré-usiné, essuyant  mon menton et mes doigts colorés orange Cheetos sur ma robe de chambre devenue serviette de table géante.

Puis, l’envie de m’aimer m’a pris. J’ai eu envie de m’offrir à bouffer. Comme je l’aurais fait si j’avais été ma blonde. J’ai eu le goût du goût. Je me suis réveillée au désir de me séduire les papilles et je suis partie faire des courses.

Vous auriez dû me voir devant les fruits et légumes à me balancer, amnésique. J’aime-tu ça le fenouil? Ben, oui, j’aime ça. J’pense… En salade?  Avec un saumon? Oui! J’aime ça le saumon!  Je me garrochais partout comme une miraculée : Oui! J’me souviens! Ça goûte un peu la réglisse noire, le fenouil! J’adore le fenouil!! Une folle…

Aujourd’hui, je me popote le moral. Ça sent bon chez nous. Je me gueule dessus en British que mon rissotto est bleeping amazing et je me réponds  «Thank you, Chef!!» avant de rajouter une motte de fromage qui pue.  J’essaie des trucs. Je deviens pas pire bonne! Parfois, ça chie, ça tourne, ça beurk, ça crame ou ça tousse le trop de poivrons écossais. Je m’en tape la coquille St-Jaques, y’a personne pour s’en rendre compte.

J’aime ma compagnie. J’aime vivre seule et décider de ce que je consomme et quand. Même lorsque l’homme qui me fréquente m’apprend qu’il n’aime pas les câpres, je lui réponds de les tasser sur le côté de l’assiette sans m’excuser ou changer ma recette. Je lui propose un plan b. J’ai plein de trucs dans le frigo! Du tofu, de la sauge, du beurre d’amande. T’aime pas ça? Criffe! T’es mal pris, hein?

Puis, je me prends une énorme bouchée et gémis de plaisir avant de lui tendre un menu de livraison.

15 réflexions sur “Festin pour une.

  1. je tapote un comment depuis l’aut’ côté de l’océan, c’est tellement fleuri cette langue que j’entends votre bel accent rien qu’en vous lisant. j’adore. bisou

    J’aime

  2. « Se popoter le moral » Je crois que je t’aime. En tout cas, j’aime ton inspiration. Je devrais peut-être me faire à manger finalement. Quand les enfants n’y sont pas. Tu donne le goût !

    J’aime

  3. Dieu qu’on en fait des compromis pour l’être chair, euh, l’être cher. Les expériences culinaires d’un ou d’une nouvelle célibataire sont toujours épiques. Des fois, je me dit, WTF, je vais au resto. J’avoue que j’y vais autant que pour remplir le bedon que d’observer cette chère humanité. Le summum, c’est quand tu te fais un bon petit plat et que c’est meilleur que dans ton resto préféré. Je te souhaite plein de belles découvertes.

    J’aime

  4. Sacrifier sa fourchette pendant des années, je crois que nous sommes nombreuses à l’avoir pratiqué ! Qu’il est doux de détourner sa générosité.

    J’aime

Laisser un commentaire